PRIX DECOUVERTE 2010 DU HOT CLUB DE FRANCE
CECILE MCLORIN SALVANT
CECILE MCLORIN SALVANT ET LE JEAN-FRANÇOIS BONNEL PARIS QUINTET
Autoproduit
Exactly like you, Moody's mood for love, I've got my love to keep me warm, I got it bad and that ain't good, No regrets, Detour ahead, Frosty moming blues, Social call, Easy to love, I wonder where our love is gone, Anything goes, After you've gone ..
Dans ce CD enregistré à Paris, en novembre 2009 et mars 2010, Cecile Mac Lorin Salvant (21 ans à peine) chante, entourée de Jean-François Bonnel (ts, cl), Jacques Schneck (p), Enzo Mucci (g), Pierre Maingourd (b) et Sylvain Glévarec (d). Et elle chante fort bien, avec une attachante personnalité musicale ! La voix est souple, expressive, capable d'aborder divers registres, avec un rien de sophistication. Dès le premier morceau, on a une bonne image sonore de ce que sera le disque : cohérence stylistique, swing naturel, aisance de chacun tant en solo qu'à l'accompagnement. Le multi-instrumentiste Jean- François Bonnel joue avec simplicité et une énergie sous-jacente quelques chorus au ténor et on l'entend, tout aussi délectable, à la clarinette dans deux titres : Frosty morning blues, After you've gone. Le blues est particulièrement réussi, on regrette qu'il soit le seul de ce genre au programme. Attentif, le piano de Jacques Schneck tient avec musicalité et sobriété le rôle toujours difficile de l'accompagnement. Quant à la section rythmique, à la fois légère et sûre, elle est pour beaucoup dans la réussite de ce premier CD. Voilà un disque équilibré, agréablement conçu autour d'une chanteuse de qualité. Écoutez la première interprétation, Exactly like you, la voix fraîche sur la guitare seule... et vous ne lâcherez plus le disque jusqu'à la fin.
Daniel Janissier ( Bulletin du HCF N°596 - Décembre 2010)
GRAND PRIX 2010 DU HOT CLUB DE FRANCE
STEEVE LAFFONT
SWING FOR JESS;
Le Chant du Monde 2741737
Swing for Jess, Mano, Old Man River, Meggie , Oh samba lec, Speevy, Hunn 0 pani naschella, Billet doux, Libertango, Djazz, R-vingt-six, Ain't misbehavin', I’ll remember April ...
Le guitariste Steeve Laffont est une des grandes révélations du monde du jazz de ces dernières années et, sans doute, le plus grand guitariste qu'on ait pu entendre depuis Stanley Jordan. Ce second recueil, daté de 2009, ne décevra pas ses admirateurs. Nous y retrouvons avec plaisir les mêmes accompagnateurs efficaces, à savoir Serge Oustiakine à la contrebasse (également membre du Thierry Ollé Trio) et Rudy Rabuffetti à la guitare. En outre, dans dix titres sur treize, le trio invite le violoniste Costel Nitescu, se transformant ainsi en quatuor. Chaque intervention de Steeve Laffont est un véritable régal car il possède autant de virtuosité que d'invention, de musicalité que de swing. L'influence de Django Reinhardt reste prédominante dans Old Man River ou Billet doux par exemple, mais Steeve fourmille d'idées personnelles et émaille parfois ses improvisations d'audaces harmoniques et de traits d'humour. Il effectue aussi quelques emprunts à Wes Montgomery (premier « pont » de Meggie ) et à George Benson (vers la fin de Oh samba lec notamment).
Quant à Costel Nitescu, sans égaler sans doute la e et le talent de Stéphane Grappelli dont il est assez proche par le , il se montre un très bon partenaire pour Steeve Laffont, swinguant avec aisance sur les tempos moyens ou rapides, spécialement dans I’ll remember April et R-vingt-six ; par contre, dans les tempos lents, ses solos sont moins jazz et, semble-t-il, quelque peu influencés par Didier Lockwood.
Trois interprétations de ce recueil retiennent l'attention : Hunn 0 pani naschella, Oh samba lec, ainsi que Remember April qui constitue peut-être le sommet du disque. Par ailleurs, R-vingt-six, Billet doux et Swing for Jess swinguent également avec intensité alors que Ain't misbehavin' est plein de fraîcheur et de délicatesse. En dépit des quelques réserves formulées précédemment quant à la prestation du violoniste, les deux ballades Meggie Style et Djazz sont interprétées avec beaucoup de sensibilité. Notez un court et excellent solo de Serge Oustiakine dans le premier titre et un joli contre-chant « d'inspiration ique » de Costel Nitescu dans le second.
Constatons au passage que ces deux compositions signées respectivement de Rabuffetti et Laffont se rapprochent davantage du jazz contemporain que du Quintette du Hot Club de France. En conclusion, malgré deux ou trois interprétations moins prenantes, comme Speevy et Libertango, l'acquisition de ce CD se justifie sans la moindre hésitation.
Raphaël Aubin ( Bulletin du HCF N°588, page 13 - Février 2010)
PRIX INEDITS 2010 DU HOT CLUB DE FRANCE
ELLA FITZGERALD
TWELVE NIGHTS IN HOLLYWOOD
Verve B0012920-02
CD 1 : Introduction, Lover corne back to me, Too close for comfort, Little white lies, On the sunny side of the street, Ac-cent-tchu-ate the positive, Baby won't you please conne home, I found a new baby, On a slow boat to China, My heart belongs to daddy, Perdido, l've got a crush on you, But not for me, You brought a new kind of love to me, Across the alley from the Alamo, l'm glad there is you, 'Round midnight, Take the A train, Mr. Paganini. CD 2 : Nice work if you can get it, I can't get started, Give me the simple lite, Caravan, One for my baby, Lorelei, A-tisket a-tasket, Witchcraft, Gone with the wind, Happiness is a thing called Joe, It's de-lovely, The lady is a tramp, That old black magic, Luliaby of Birdland, Ella introduces the band, Imagination, Blue moon, Joe Williams' blues . CD 3 : The lady's in love with you, Love is here to stay, Corne rain or conne shine, Anything goes, This could be the start of something big, Candy, Little girl blue, You're driving me crazy, It's all right with me, Just squeeze me, 'S wonderful, How high the moon, Deep purple, In the wee small hours of the morning, Mack the Knife, Exactly like you, Rock it for me, Stompin' at the Savoy, Love for sale, St. Louis blues. CD 4 : Ail of me, liard hearted Hannah, Broadway, My kind of boy, D had to be you, C'est magnifique, How long has this been going on, When your lover has gone, Taking a chance on love, Good morning heartache, Clap hands here cornes Charlie, Hallelujah I love him so, Angel eyes, 01' man Mose, Teach me tonight, Ella's twist, Too dam hot, Bewitched, Bill Bailey .
Ces quatre CD, glissés entre les pages cartonnées d'un livre luxueux bien illustré, proposent une série d'interprétations inédites de l'immense chanteuse, captée en direct au club Crescendo à Hollywood. Le contenu des trois premiers albums date d'un engagement allant du 11 au 21 mai 1961 où Ella est accompagnée par Lou Levy (p), Jim Hall (g), Wilfred Middelbrooks (b), Gus Johnson (d). Son impresario, Norman Granz, enregistrait scrupuleusement toutes les prestations d'Ella et, d'ailleurs, il fit paraître à l'époque un LP ("Ella à Hollywood" - Verve 4052 ou Barclay 80169) composé d'extraits de ces concerts de mai 1961 au Crescendo.
Une demi-douzaine de titres de ce LP se retrouvent dans la présente série, mais il s'agit de versions différentes, d'ailleurs assez proches, à l'exception de Take the A train. Pris en direct dans un environnement idéal, ces enregistrements d'une Ella Fitzgerald en grande forme offrent une suite d'interprétations en majorité enthousiasmantes. Les quelques morceaux sentimentaux, peu propices au swing, restent toujours magnifiquement chantés. Dès le début du CD 1, la partie vocale swingue de manière exceptionnelle sur Lover come back to me d'une jubilation irrésistible, tout comme sur Too close for comfort à la spontanéité étonnante. Ella swingue pareillement sur le tempo semi-lent de Little white lies et plus encore de On the sunny side of the street. Dans Ac-centtchu-ate the positive, lorsqu'elle passe en tempo plus rapide, elle emporte l'auditeur. Son vocal paresseux de Baby won't you please come home et de My heart belongs to daddy dégage le plus empoignant des feelings.
À noter trois titres, superbement enlevés et qui ne se trouvent nulle part ailleurs dans sa discographie disponible : I found a new baby, On a slow boat to China et Across the alley from the Alamo. Les plages sentimentales, de I've got a crush on you à 'Round midnight, demeurent moins intéressantes malgré la perfection du vocal. En revanche, trois plages appartiennent à la catégorie swing fou, avec scat aussi intarissable qu'étourdissant : Perdido, Take the A train et Mr. Paganini. Irrésistible ! Forcément dans la même veine, le CD 2 apporte son lot d'interprétations superbement chantées par l'incomparable Ella, à commencer par Nice work if you can get it, d'une aisance totale. Son vocal se déroule en swinguant implacablement et de façon enjouée (Give me a simple life, The lady is a tramp), pétillante (A-tisket a-tasket, Lullaby of Birdland), obstinée (Caravan, That old black magic), vibrante (Gone with the wind) et, bien sûr, avec brusquement la plongée dans une folie en ouragan (Joe Williams' blues). Le CD 3 renferme également une riche provision de musique emballante. Il s'ouvre sur un titre qu'Ella enregistre pour la première fois et qu'elle balance avec allégresse : The lady's in love with you. Deux autres morceaux aussi ne figuraient pas jusque-là dans sa discographie : Candy, nonchalant, et Deep purple, du genre langoureux. Ella chante et swingue tantôt avec une euphorie contagieuse (This could be the start of something big, You're driving me crazy,'S wonderful), tantôt avec une souplesse, une détente uniques (Just squeeze me, Rock it for me, Love for sale).
Le CD compte plusieurs interprétations déchaînées, étourdissantes, terriblement swinguées, où sa maîtrise vocale, son énergie et son brio dans l'improvisation scat font merveille : How high the moon, Mack the knife, Stompin' at the Savoy, St. Louis blues. Le CD 4, titré "Ella returns to Hollywood", a été enregistré à nouveau au club Crescendo, un an après les trois précédents, plus précisément les 29 et 30 juin 1962. À l'accompagnement, seul le contrebassiste conserve son poste, entouré maintenant par Paul Smith au piano et Stan Levey à la batterie. Là encore, Ella reste au premier plan d'un bout à l'autre. Sur les 19 titres de l'album, seuls Ol'man Mose et Bill Bailey furent publiés à l'époque sur 45 tours Verve 70.532, ils figurent ici dans une prise différente. Dans les deux, Ella swingue furieusement en se livrant à diverses imitations dans le second titre. Par ailleurs, deux morceaux apparaissent pour la première fois dans sa discographie : l'excellent My kind of boy, coulant avec aisance, et It had to be you, quelque peu langoureux.
Cette série ne compte pas d'interprétations euphoriques évoluant vers un déferlement de scat, mais offre tout de même une belle ration de swing varié. Relevons : All of me, Broadway et Taking a chance of love, dans un bondissant ; Hard hearted Hannah et Too dam hot, au dynamisme obstiné ; When you lover has gone et C'est magnifique, au ton paresseux mais s'animant joliment dans le second titre ; Hallelujah I love him so, à la jubilation contagieuse. Ella vous invite à passer quatre bonnes heures en sa compagnie pour l'écouter dans des interprétations inédites. Voilà une occasion qui ne se refuse pas. Sous aucun prétexte.
André Vasset ( Bulletin du HCF N°588, page 11 - Février 2010)
L’Harmattan, 2009 - (21,5 x 13,5 cm) -
296 pages. Quelques fac-similés de documents.
Broché, En français.
ISBN 978-2-296-10134-0
Dans cet ouvrage, issu de sa thèse de doctorat, l’auteur bat en brèche l’affirmation largement répandue que le jazz, musique « négro-judéo-anglo-saxonne », n’avait pas droit de cité sous l’Occupation et que son écoute et sa pratique ne pouvaient exister que dans la clandestinité. Or les faits, analysés à partir des documents d’époque (articles de journaux, publicités pour les concerts, programmes radiophoniques…), viennent démentir ces allégations. Gérard Régnier organise sa démonstration en quatre grandes parties :PRIX VIDEO 2010 DU HOT CLUB DE FRANCE
ERROLL GARNER
LIVE IN '63 and '64
Jazz Icons - Naxos 2.119021. - Noir et blanc
Durée mentionnée : 60 min. Toutes zones
Belgium 1963 : Erroll's theme, I get.a kick out of you, Fly me to the moon, Sweet and 'm'y, It might as well be spring, Misty, Where or when, Thanks for the memories. Sweden 1964 : Effoll's theme, When your lover has gone, Fly me to the moon, Mambo Erroll, My funny Valentine, One-note samba, Where or when, Thanks for the memories, Erroll's theme .
Lors des deux mini-récitals que comporte ce recueil, Erroll Garner est entouré de ses accompagnateurs réguliers de l'époque : Eddie Calhoun à la basse et Kelly Martin à la batterie. Même si la lecture de ce double programme fait apparaître trois titres répétés (on ne tiendra pas compte du bref indicatif Erroll's theme), ce constat ne doit pas être dissuasif : Garner ne pratique pas le « copié-collé ».
La chronique abordera conjointement les deux concerts bien qu'ils différent par le contexte et le filmage. Le concert belge a été enregistré dans un studio de télévision devant un public restreint installé près du trio et met à l'écran un Garner dont le visage et les mains sont captés majoritairement en gros plans, voire très gros plans : cette proximité, qui modifie les habitudes de vision du spectateur en salle, rend le récital fort attrayant. Le concert suédois, également filmé dans un studio en public (mais est-ce si sûr, malgré applaudissements et saluts ?) offre une représentation plus traditionnelle, mais on y voit davantage les accompagnateurs et un pianiste moins fragmenté . Faisant suite à l'indicatif, I get a kick installe d'emblée le swing au sein du concert de 1963. La réussite de cette interprétation n'est pas seulement due au traitement aussi détendu que possible du tempo vif : elle provient des fameux décalages entre les deux mains (ex. 1er chorus sauf « pont ») et du non moins fameux jeu de main gauche marquant les quatre temps de la mesure à la manière d'un guitariste (ex. majorité du 2e chorus).
Ce dernier « procédé », mis en oeuvre dans toutes les interprétations de façon sporadique, anime avec maestria l'intégralité du placide It might as well be spring et des deux impétueux Where or when. L'extrême élasticité des accords de main gauche engendre un swing 'lazy' et aéré sur le premier titre, tandis que le second est l'un des sommets du recueil avec deux chorus de variations inventives — différentes d'une version à l'autre — et l'habituel arrangement final pour trio avec son découpage si percussif. Même efficacité dans les excellents Sweet and lovely et When your lover has gone où le pianiste, après les exposés chantants des mélodies, déploie de subtiles broderies avec des décalages d'un swing inouï et conclut le premier titre sur un arrangement plein d'humour.
Car l'humour est un des traits du tempérament musical de Garner : en témoignent les deux versions de Thanks for the memories aux citations inattendues (Clair de lune de Debussy, valse de Chopin, valse de Johann Strauss fils, Prélude en do dièse mineur de Rachmaninov — concert de 1963 seulement —, Rêve d'amour de Listz), renforcées par des gags (le bassiste se sert de l'archet pour répondre au piano avec solennité, le batteur utilise les baguettes pour mimer le chef d'orchestre et le violoniste). À entendre et à lire les commentaires de toujours, il est d'usage de regretter chez Garner ses enjolivements sur les ballades en tempo lent : introductions rhapsodisantes, accords arpégés, trémolos, etc. Sans doute My funny Valentine et les deux versions de Fly me to the moon sont-elles imprégnées de ce climat « piano-cocktail », mais la constante musicalité du jeu en relève l'intérêt ; de même il serait dommage de faire l'impasse sur le célébrissime Misty : non seulement l'exposé séduit par son élégance, mais, passé ce chorus, un souple balancement s'installe à la reprise au « pont ».
On ne s'inquiètera pas trop non plus de titres comme Mambo Erroll et One-note samba : le mambo, fréquent dans la discographie du pianiste, est traité sur le mode humoristique et le rythme de samba n'affecte que l'exposé du thème et son (bref) rappel final. Indépendamment de la musique, l'attitude de Garner offre à elle seule un spectacle que le DVD restitue avec bonheur : facétieux, les yeux parfois levés au ciel, il marmonne en soutiant des mots inintelligibles, manifeste son plaisir d'être en scène par des mimiques, des coups d'oeil au public, des regards complices à ses partenaires, et semble s'étonner de sa musique comme si elle s'engendrait à son insu ou comme si jouer du piano revenait à jouer avec le piano.
Un recueil recommandé sans réserve, d'autant que la série Jazz Icons, fidèle à ses habitudes, s'attache à une reproduction visuelle et sonore de qualité.
Jacques Canérot ( Bulletin du HCF N°587, page 23 - Janvier 2010)
TRAVELING BLUES,
The Life and Music of Tommy Ladnier
par Bo LINDSTRÖM et Dan VERNHETTES
Jazz’Edit, 2009..(28,5 x 26 cm)
216 pages. 302 photos noir et blanc et couleur
Broché, En anglais
ISBN 978-2-9534-8310-9
Il convient de saluer le travail accompli par les auteurs pour mener à bien cette biographie du trompettiste Tommy Ladnier. Rien en effet n’a échappé à leur enquête et le moindre détail concernant la vie et l’œuvre du musicien louisianais est ici consigné et commenté.
De la naissance (le 28 mai 1900) au décès prématuré (le 4 juin 1939), quatorze chapitres marquent les grandes étapes du parcours professionnel et privé de Ladnier : les débuts dans l’orchestre local de Mandeville, sa ville natale, les premiers engagements à Chicago , puis, en 1925-26 la tournée européenne avec la revue Chocolate Kiddies et l’orchestre de Sam Wooding (1) , le retour à New York et le séjour dans l’orchestre de Fletcher Henderson , un second voyage en Europe (1928-30) , le passage dans l’orchestre de Nobler Sissle , la collaboration avec Sidney Bechet au sein des New Orleans Feetwarmers , enfin les derniers enregistrements organisés et supervisés par Hugues Panassié.
À la profusion de renseignements donnés s’ajoute l’analyse musicale, parfois très technique, de toutes les interprétations où figure Tommy Ladnier, avec le relevé (par Dan Vernhettes) des solos les plus importants. L’ouvrage s’attache aussi à décrire, avec la même minutie, le contexte historique, social et musical dans lequel le trompettiste a vécu, de même qu’il trace le portrait de tous les musiciens qu’il a côtoyés ou qui l’ont influencé.
Quant à l’iconographie, elle est d’une exemplaire richesse : photographies d’orchestres et de musiciens et reproductions de documents rares abondent à chaque page. Enfin les 189 enregistrements (2) auxquels participa Tommy Ladnier font l’objet, à la fin du volume, d’une discographie qui précise, pour chacun d’entre eux, titre, date, personnel, nombre de prises, etc.
Conclusion : un livre essentiel qui se doit de figurer dans la bibliothèque de tout véritable amateur de jazz. .
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Arbors ARCD 19361
YOU'VE GOT TO BE MODERNISTIC, SWEET AND LOVELY, IN AUGUST AT ST. GERMAIN DES PRÉS, THE PEARLS, TEA FOR TWO, SWEET SMILE, INSTINCT OF CONSERVATION, RUSSIAN GREEK, SURPRISES, WALKING MY BABY BACK HOME, ANITRA'S DANCE, SIMPLY THE BLUES, TANGO SEVILLE, JUST YOU JUST ME, I GUESS I’LL HAVE TO CHANGE MY PLANS, SNEAKAWAY, PORTRAIT OF A PORTRAITIST, CAN'T WE BE FRIENDS, SKYLARK, KEEP OFF THE GRASS, FRANÇOIS, NOSTALGIC WALK.
Le Bulletin 569 d'avril dernier recommandait un CD Jazz Connaisseur de solos de piano par Louis Mazetier enregistrés en décembre 2002 mais dont la parution avait été retardée suite à divers contretemps. Voici que la marque Arbors publie maintenant un nouvel album de solos de Louis captés, comme les précédents, à l'église de Boswil, renommée par la qualité sonore des enregistrements qui en proviennent. Dans cette récente série (datant des 30 et 31 août 2007), Louis Mazetier, comme à son habitude, propose un répertoire presque totalement différent de celui de ses précédents albums, d'où un recueil riche en variété et en imprévu.
Bien évidemment, et heureusement, reste à l'honneur le 'stride' par lequel il se fit connaître et reconnaître comme un des plus prestigieux spécialistes actuels. Plutôt que de s'acharner sur les mêmes thèmes pour en livrer une énième version, Louis préfère en explorer de nouveaux. Moins confortable que de se cantonner dans la routine, mais plus enrichissant ! Il s'adresse à James P. Johnson d'approche subtile dans Keep off the grass et affronte la complexité de You've got to be modernistic pour offrir deux interprétations étourdissantes d'impétuosité et de brio. Deux autres maîtres ès 'stride' sont sollicités tout aussi magistralement : Willie Smith Le Lion dans Sneakaway et le terrible Donald Lambert dont Louis reprend Anitra's dance avec une exubérance époustouflante.
Le stride reste présent par exemple pour un appui discret au discours plein d'envolée de Walking my baby back home, ou au jeu ciselé à la Teddy Wilson sur I guess I’ll have to change my plans, ou pour un soutien direct à l'allégresse de Just you just me. Bien sûr, il faut aussi souligner l'exaltant passage en 'stride' de Tea for two, beau gage d'admiration adressé à Art Tatum. Par ailleurs, Louis Mazetier s'exprime également dans un élégant et chantant dans Can't we be friends et Skylark et, surtout, il convient de souligner la qualité de la splendide version de The Pearls. On ressent comme une sorte de connivence avec `Jelly Roll' Morton dans la poésie et la délicatesse.
Parfois Louis dérive vers une musique méditative ne manquant pas de charme (Sweet and lovely) que l'on rencontre dans ses propres compositions, abondantes dans cet album. Ainsi Sweet Smile. Instinct de conservation. Russian Greek, à l'accent nostalgique, qui composent sa Significant Ladies suite tout comme Surprises, marqué par l'allégresse et l'humour. Louis en outre, a signé In August at St. Germain des Prés, au nonchalant accent garnérien ; Tango Seville, dont la touche espagnole ne peut que rappeler celle de `Jelly Roll' ; Portrait of a portraitist, saisissante évocation de Duke Ellington ; François, lourd de souvenirs hantés par l'ami jumeau François Rilhac ; Nostalgic walk à la démarche paisible mais guillerette. Enfin, gage d'authenticité, il joue le blues avec l'accent et le 'feeling' requis ainsi que le prouve Simply the blues.
André VASSET
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So little time (so much to do), I'm lazy that's all, Kitchen man, Oh yes, take another guess, New Orleans, My old daddy's got a brand new way to love, South ta a warmer place, Thrill me, You better watch yourself Bub, I've got that thing, Don't care who knows, Broken nose, Luci, You for me, me for you.
Russell, de son prénom Catherine, chanteuse quinquagénaire, new-yorkaise d'origine, dont le nom de famille ne nous est pas inconnu. En effet, il s'agit de la fille du célèbre pianiste et chef d'orchestre Luis Russell, incidemment compagnon de route et ami de Louis Armstrong.
Bien qu'ayant baigné durant toute sa jeunesse dans la musique de jazz, elle n'y est venue que tardivement après avoir fréquenté pendant fort longtemps divers horizons musicaux. C'est le trompettiste Doc Cheatham qui l'invitera à chanter des thèmes de jazz lors des 'brunchs' du Sweet Basil de New York, ce qui l'incitera à poursuivre dans cette voie. En 2006, elle réalise un premier disque pour le compte de Harmonia Mundi, et récidive en 2008 avec l'album qui nous intéresse ici.
Manifestement, nous tenons là une chanteuse de tempérament, à la voix chaude, bien posée, parfois rocailleuse. mais juste ce qu'il faut. Elle chante dans la plus pure tradition noire, avec une voix travaillée, mais sans afféterie. Quant à son répertoire, il sort des sentiers battus, puisqu'elle reprend des thèmes anciens chantés, dans le temps, par les plus grandes : Bessie Smith. Ella Fitzgerald, Lena Home, Alberta Hunter, Nellie Lutcher.
Sans conteste, c'est Bessie Smith qu'elle rappelle, aussi bien dans ses inflexions que dans son articulation. Son discours, toujours limpide, est porté par une diction parfaite et son drive puissant vous transporte, comme dans So little time (so much to do) où l'on remarquera l'excellent soutien du pianiste Mark Shane ainsi que celui du batteur James Wormworth (qui peut, sur d'autres morceaux, faire preuve d'une certaine raideur). I'm lazy, that's all a aussi beaucoup de charme, mais c'est Kitchen man qui retient l'attention : ce morceau d'Edna Pinkard, chanté en son temps par Bessie Smith mais aussi Alberta Hunter, séduit par son côté enjoué et ses paroles coquines qui ne sont pas sans rappeler le fameux thème de Eubie Blake : My handy man ain't handy no more (le fait que le parolier, Andy Razaf, soit le même dans les deux cas y est certainement pour quelque chose). De la même veine, elle reprend un grand succès de la pianiste et chanteuse Nellie Lutcher :You better watch yourself Bub, qui bénéficie de bons solos du pianiste Mark Shane et du guitariste Matt Munisteri. Catherine Russell nous gratifie d'une version de classe avec New Orleans qu'elle interprète sur un tempo lazy à souhait. My old daddy's got a brand new way to love et You for me, me for you sont dédiés à la chanteuse Alberta Hunter qui, manifestement, l'inspire beaucoup : deux petits bijoux, le premier avec pour seul accompagnateur le pianiste Mark Shane, le deuxième en compagnie du seul Matt Munisteri à la guitare. Citons aussi une autre chanteuse dont elle possède à la fois le punch et le côté rageur, Juanita Hall: c'est manifeste sur une composition de son père Luis Russell, I've got that thing, qu'elle enlève avec brio. On retiendra enfin Don't care who knows de Willie Dixon, particulièrement swingué.
Un album de grande classe qui ne peut laisser l'amateur indifférent.
Christian Sabouret ( Bulletin du HCF N°573 - Septembre 2008)
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ECHOES 0F SWING “4 JOKERS IN THE PACK”
(EOSP 4505 2, www.echoes.of.swing.de)
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 566 (Novembre-Décembre 2007) p.21/22
Conga brava, Double talk, Royal garden blues, Lament for Javanette, Shirley steps out, Crêpe muzette, June in january, Impromptu, Tunisian trail, The clown Prince, Some other spring, Eggs and tried lies, Happy feet, l’ll get by, Rehearsin’ for a nervous breakdown, Dancers in love, Deep in the shed.
Quel disque épatant ! Et peu commun. Il y souffle la brise rafraîchissante de “l’esprit Kirby”. Je dis bien : l’esprit, car le est différent. Le jeu allègre, primesautier, l’entrelacement des solos et des ensembles, la formation réduite de quatre solistes qui “se renvoient la balle” et discourent avec verve, des arrangements séduisants, alertes, très fignolés, qui créent une atmosphère, un “son”... Mais il est temps que je vous présente les acteurs de ce théâtre sonore.
Echoes of Swing est donc un quartet composé de Colin Dawson (tp, voc), Chris Hopkins (as), Bernd Lhotzky (p) et Oliver Mewes (dr). Nous les connaissions déjà par les Bulletins 480, 502 et 527. Il ne s’agit pas ici de deux souffleurs accompagnés par piano et batterie mais de quatre instrumentistes au même niveau d’intervention. Seul le batteur me paraît un peu en retrait, est-ce l’enregistrement ? Je penche plutôt pour un excès de prudence ou de discrétion par rapport à ses collègues: il joue bien mais il faut tendre l’oreille parfois.
Hugues Panassié disait, parlant de l’orchestre Lunceford “qu’il se passait à chaque instant quelque chose de nouveau”. C’est le cas dans ce disque. Les arrangements sont pour la plupart dus à Dawson et à Hopkins, Lhotzky est responsable de trois d’entre eux, Mewes du titre 12. L’impression générale est une certaine unité dans la diversité : les thèmes choisis sont variés, originaux et, en fin d’audition, j’avais l’impression d’avoir entendu une grande pièce de 55 minutes dont les multiples facettes étaient les thèmes et leurs arrangements. Tout cela suppose un grand travail d’élaboration et une parfaite entente stylistique entre les musiciens, qui donnent parfois l’illusion d’être bien plus de quatre, tant dans l’agencement des parties que dans la spontanéité apparente de l’exécution. Lhotzky domine par son jeu inventif, renouvelé, swingant. Au fil des années, il s’est diversifié, “musclé”, affirmé tant en solo qu’en seconde voix; c’est un piano fertile et qui “tient la distance” : on n’a jamais l’impression qu’il atout dit et qu’il n’a plus de réserves, Il faudrait tout citer car il joue bien partout. C’est un jeune maître. J’ai préféré, et de beaucoup, Hopkins à l’alto plutôt qu’au piano (j’en parle par ailleurs dans son duo avec Dick Hyman). Les changements subtils et fréquents d’atmosphère ne le déroutent pas et il fait penser parfois à André Ekyan ou à Tab Smith. Colin Dawson ne manque pas de drive et a quelques belles envolées. Son jeu avec sourdine de Happy feet est prenant. Il intéresse toujours, même s’il n’a pas la superbe régularité de Lhotzky.
Enregistré en juin 2006 en Autriche, ce CD n’a pas de faiblesses. Même les deux interprétations avec vocal (titres 7 et 14) sont intéressantes pour ce qui se passe derrière. Voilà du jazz contemporain qui concilie nouveauté et respect des “fondamentaux”. Profitez-en.
Daniel Janissier
The Blues is my story
Autoproduit
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 565 (Octobre 2007) p.22/23
Washington’s Boogie, The Blues is my story, I’ll be good to you baby, I know, Cherry Red, Let’s go, Ain’t it sweet, What I got, Two tons of loving, Peace in the valley, When the saints go marching in.
Le dernier Festival de La Roquebrou nous a permis de découvrir un bon pianiste et chanteur de blues en la personne de Papadon Washington. On connaît fort peu de choses sur sa biographie sinon qu’il a commencé l’étude du piano dès l’âge de cinq ans au sein de l’église où officiait son père, pasteur de la paroisse de Kent dans I’ État de New York. Il se produit aussi au sein de la chorale de cette église. Par la suite, il est devenu un véritable homme-orchestre ayant appris à jouer, aussi bien du piano que de divers instruments dont l’orgue mais aussi la guitare et la batterie. De sa carrière on ignore à peu prés tout, à peine sait-on qu’il a été la révélation du Chicago Blues Festival en 2005.
Pour la réalisation du présent CD, il a fait appel à la technique du réenregistrement, ce qui nous permet de l’entendre simultanément au piano, à l’orgue et à la batterie entre autres. II chante aussi, fort bien, d’une voix chaude, expressive, fortement enracinée dans le blues. Il se révèle bon compositeur et tous les thèmes, sauf trois, sont de sa composition.
Le disque débute avec un robuste boogie-woogie : Washington’s boogie, bien enlevé, qu’il chante en s’accompagnant au piano, soutenu par un solide afterbeat de la batterie. The Blues is my story, chanté d’une voix bien posée, très prenante, résume son credo: “The blues is my story and I tell that story until the day I die”, on l’entend ici au piano, à l’orgue et à la batterie. I’II be good to you baby et I know balancent bien et sont traités dans le même esprit que le précédent, avec un joli solo de guitare sur I know. Le fameux Cherry Red de James P. Johnson nous vaut une version très personnelle qu’il interprète avec beaucoup de feeling, piano et orgue font alterner climat apaisé et climat tendu. Let’s go est un thème orchestral très agréable qui laisse toute la place au piano et à l’orgue. Ain’t it sweet, What I got et Two tons of loving sont trois faces chantées de façon prenante, très low-down, accompagnées par piano et batterie, avec un swing omniprésent. Avec Peace in the valley, Don Washington se remémore ses débuts à l’église avec ce gospel, écrit par Thomas A. Dorsey, qu’il chante avec foi et recueillement accompagné par piano, orgue et batterie. Le disque s’achève avec le traditionnel When the saints go marching in qu’il interprète à plusieurs voix mais ce thème rebattu n’apporte rien de bien neuf. Je vous invite à découvrir cet authentique bluesman sur son site.
Christian Sabouret
The British Tours 1963-1966
Reelin’ in the Years Productions and Experience Hendrix
Tournée 1963: Keep It to Yourself (Sonny Boy Williamson), Got My Mojo Working (Muddy Waters), Too Late to Cry
(Lonnie Johnson), Baby Please Don’t Go (Big Joe Williams).
Tournée 1964 : Bye Bye Blackbird, Getting Out 0f Town (Sonny Boy Williamson), Come Go with Me, Lightnin’s Blues (Lightnin’ Hopkins), Baby What You Want Me to Do, Rock Me Baby (Sugar Pie Desanto), Smokestack Lightning, Don’t Laugh at Me (Howiin’ Wolf).
Tournée 1966: Oh Well Oh Well (Big Joe Turner), What’d I Say (Junior Wells).
Bonus (tournée 1964): You Can’t Lose What You Ain’t Never Had, Blow Wind Blow (Muddy Waters), Didn’t It Rain, Trouble in Mind (Sister Rosetta Tharpe).
Ce groupement d’interprétations filmées lors de tournées anglaises de l’American Folk Blues Festival fait suite aux trois recueils de 1’AFBF (cf. Bulletins 530 et 537) figurant au palmarès des Prix HCF 2004, ainsi qu’au recueil « Memphis Slim & Sonny Boy Williamson Live in Europe » (cf. Bulletin 539). Pour dissiper toute ambiguïté, précisons que ce nouveau DVD ne recoupe à aucun moment les précédents.
Les chanteurs-guitaristes sont ici à l’honneur. Big Joe Williams, débordant de naturel, martèle le sol du talon pour accompagner un vocal ardent et des solos non moins fougueux sur Baby Please Don’t Go, sa composition la plus réputée. A l’opposé, le placide Lonnie Johnson, à la voix sans aspérité, développe sur Too Late to Cry deux chorus de guitare raffinés dont les notes bien détachées contribuent à la netteté des lignes. Lightnin’ Hopkins traite avec brio Come Go with Me en rythme boogie, mais retient davantage encore l’intérêt par un blues lent chanté telle une complainte, avec une émotion qu’amplifie un jeu « low-down » aux multiples inflexions. Seul Howlin’ Wolf, à la guitare dans Don’t Laugh at Me, se contente d’arpéger les accords fondamentaux à la façon d’un bassiste (il laisse les solos à son brillant second Hubert Sumlin) dans une interprétation tendue, « hurlée » d’une voix rugueuse.
Parmi les chanteurs-harmonicistes, Sonny Boy Williamson l’emporte à l’applaudimètre. Il est vrai que le personnage cultive le pittoresque : il faut le voir entrer d’un pas indolent, melon sur la tête, sacoche à la main, parapluie au bras, s’attarder au micro le temps d’un thème et sortir du côté opposé. De ses longs doigts effilés il dissimule des harmonicas qu’il triture en tous sens pour en modifier les sons, en joue à l’occasion avec le nez ou sans utiliser les mains. Ses trois spécialités sont au nombre des moments forts du recueil tant sa partie vocale est nonchalante et sa partie d’harmonica souple, inventive, dédiée au swing par l’accumulation des effets rythmiques (riffs, traits incisifs, claquements de langue contre le micro suggérant des frappes de «tap dancer»). Howlin’ Wolf, dont le Srnokestack Lightnin’ est salué par des ovations, souffre évidemment du rapprochement avec Sonny Boy, mais compense la modestie de son jeu d’harmonica par une véhémence de « blues shouter » : l’interprétation, prise en tempo aisé, tangue sur place, ponctuée par un riff unique joué conjointement par le pianiste et le guitariste.
Au rang des chanteurs non instrumentistes, Big Joe Turner fait preuve de son assurance coutumière : au cœur du swing dès la première mesure, il balance 0h Well 0h Well avec une flamme communicative entretenue par le « shuffle » de Fred Below et ses relances en rafales. Même sans avoir pareil abattage, Sugar Pie Desanto se montre dynamique sur Baby What You Want Me to Do avant de détailler les paroles de Rock me Baby avec une espièglerie provocante. Privé de sa guitare, Muddy Waters propose de My Mojo une interprétation au climat inhabituel en raison d’accompagnateurs qui, à l’exception d’Otis Spann, ne font pas partie de son entourage familier: aussi est-ce le pianiste qui exécute les chorus — quasi immuables - réservés d’habitude à l’harmoniciste. Quant à Junior Wells, l’un des benjamins des tournées, il danse plus qu’il ne chante dans sa version de What’d I Say~ mais son impétuosité dans cette discipline inattendue ne manquera pas d’étonner.
Les prises du bonus proviennent d’une émission télévisée «The Blues and Gospel Train » tournée en 1963 près de Manchester. Il faut le professionnalisme de Muddy Waters et de Sister Rosetta Tharpe pour parvenir à s’imposer en dépit des conditions du concert : la scène est un quai de gare, les accompagnateurs sont regroupés à l’écart, le froid et la pluie s’en mêlent, contraignant Muddy et Sister Rosetta à jouer en manteau (sans perdre leur humour, Muddy termine par Blow Wind Blow et Sister débute par Didn’t It Rain !). Par chance, l’acoustique n’est pas hostile : la partie de guitare « slide » de Muddy Waters est même bien restituée.
L’ensemble de ce programme, d’une qualité d’image et de son inespérée, offre un précieux témoignage de ces tournées qui réveillèrent l’intérêt pour le blues en Europe. Aussi saluera-t-on sa parution sans réserve.
Jacques Canérot
1 - Le livret hésite sur l’identité des accompagnateurs: « Cousin Joe Pleasant Piano. Unknown: Bass. Unknown: Drums ». En fait, le pianiste est Otis Spann, le bassiste Ransom Knowling et le batteur Willie Smith (connu à l’époque sous le nom de Little Willie Smith, il était l’accompagnateur régulier de Muddy). Cousin Joe est bien au piano... mais seulement le temps de présenter Sister Rosetta: avant comme après, il se balance sur scène dans un rockin’ chair (il est filmé parfois en gros plan et Sister le salue d’un cordial « Brother Joe! »).
I John, Great Jehovah / I believe I’ll go back home, Down by the riverside, Just a little walk with Jesus, Jesus met the woman at the well, Lord don’t leave me, Looking for my shepherd, Old ship of Zion, I got good religion, Shine on me, Walk by faith, You hear the lambs crying, There must be a city, I’ve got a new home, I was there when the spirit came.
Ce nouveau groupe proposé par Willie Leiser, expert acharné et vigilant, tournera en Europe en fin d’année 2007. Il s‘agit d’un quintette vocal s’exprimant sans le moindre accompagnement instrumental, il se compose des quatre frères Turner, Willie, le directeur et ténor, Andrew et Melvin, barytons, Calvin, basse, rejoints par un autre baryton, Clarence Langston. Les Harmony Harmoneers, originaires d’Atlanta, Georgia, fonctionnent depuis une trentaine d’années.
L’album s’ouvre sur I John conduit par Willie Turner à qui ses partenaires fournissent un fond sonore subtilement harmonisé, d’une cohésion et d’une variété remarquables, proposant un riff ou une réplique en contre-chant, toujours avec un tonus rythmique stimulant. Great Jehovah, d’abord hors tempo, impressionne par sa précision et son articulation, puis s’enchaîne et se termine en tempo d’une dilatante souplesse sur I believe I’!! go back home. Comme précédemment, la voix vibrante d’Andrew Turner mène Lord don’t leave me, hors tempo, cependant que le groupe le soutient avec la plénitude des voix sonnant souvent comme un orgue. Le même conduit magistralement Shine on me, autre morceau hors tempo.
L’originalité et la science de l’harmonisation du groupe apparaissent pleinement lorsqu’il s’empare d’un gospel très connu, tel Down by the Riverside, où l’ensemble et le soutien rythmique s’imposent superbement. De même, on admire dans Just a little walk with Jesus ou Looking for my shepherd ou I’ve got a new home l’influx rythmique et la combinaison des voix d’une intense beauté. En réalité, toutes les plages réservent quelque motif d’étonnement. Le morceau le plus long, You hear the lambs crying, s’étend sur six minutes, il débute sur tempo très lent en détaillant les paroles avec une précision méticuleuse et, insensiblement, il se met à swinguer de façon irrésistible. Dans la plupart des titres le leader se trouve être soit Willie, soit Andrew Turner, ce dernier possède une voix plus éclatante.
Ces Harmony Harmoneers, chantant a cappella, ne présentent évidemment pas l’impact, la force de frappe des New Spirit ou des Victory Singers qui subjuguent leurs publics, mais ils opèrent dans un registre confidentiel qui offre une musique d’une beauté rare.
André Vasset
Le talent exceptionnellement prometteur de ce jeune pianiste tire de plus en plus l’attention des amateurs. Le présent album vient confirmer brillamment cette impression alléchante. Son enregistrement eut lieu le 21 avril 2005 à La Nouvelle-Orléans alors que l’orchestre des New Bumpers participait au French Quarter Festival. Julien Brunetaud joue en solo ou accompagné par ses fidèles Sébastien Girardot (b) et Guillaume Nouaux (d) joints parfois par Paul Chéron.
Signalons tout d’abord une erreur importante dans le programme qui annonce 11 plages alors que le CD en comporte 12. La plage 2, Your choice, a été oubliée ce qui décale toutes les suivantes, en conséquence Boogie for my friends annoncé sur la page 2 se trouve en réalité sur la plage 3 et ainsi de suite jusqu’à Newtown boogie donné en position 11 au lieu de 12!
Le disque s’ouvre sur un exaltant Orleans Street boogie, le piano démarre sans tergiverser sur tempo vif puis le ténor de Paul Chéron riffe sur un chorus et poursuit avec quatre chorus d’un direct particulièrement efficace. Julien Brunetaud propose ensuite un long solo d’une souplesse étonnante; sur une partie main gauche ferme et précise, il aligne des phrases excitantes avec une spontanéité et une aisance admirables. Le même groupe intervient sur trois autres plages. Dans Your choice, la plage 2 clandestine, Julien swingue au piano et de surcroît chante avec un dynamisme et un naturel assez estomaquant. Paul Chéron reste impeccable en contre-chant et en solo. Il s’exprime aussi longuement dans Rampart rip off en tempo moyen sur lequel le piano joue avec un profond feeling sur la pulsation stimulante un tandem basse-batterie. Dans le blues lent de Wynonie Harris, Time to change your town, Julien Brunetaud chante les paroles anachroniques avec conviction en se fournissant une émouvante partie de piano dans les deux premiers chorus, appuyé dans le deuxième par un discret contre-chant du ténor qui ensuite prend un chorus éloquent avant le dernier chorus chanté.
Julien Brunetaud reste absolument seul dans quatre plages. En tempo moyen Boogie for my friends se déroule de manière agréablement détendue et passionnante. Look like twins, blues très lent, dégage une intense émotion aussi bien par le vocal que par le piano d’un accent authentique. Hootie blues, blues semi-lent, fredonné puis chanté avec nonchalance et feeling, montre que notre homme a parfaitement capté l’esprit de cette musique. Et il nous signale aussi dans son jubilant Russian rag qu’il ne faut surtout pas le cantonner exclusivement dans le répertoire blues-boogie.
Dans les quatre plages restantes Sébastien Girardot et Guillaume Nouaux reparaissent aux côtés de Julien Brunetaud pour apporter un soutien de qualité. La musique va couler avec facilité aussi bien dans le ique Things ain’t what they used to be que dans la musique de teinte néo-orléanaise de Mardi Gras for Cyrine ou bien encore dans Newtown boogie, joyeusement enlevé, ou enfin dans Aladdin boogie, ce dernier chanté en évoluant sur un obsédant motif de basses.
Julien Brunetaud. Notez ce nom voilà un jazzman dont nous reparlerons !
André Vasset
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 565 (Octobre 2007) p.17/18
Vol 1 - (2 CD) - « Con-soul and jazz - Wild Bi11 is the boss ! (Lonehill Jazz LHJ 10283)
Vol 2 - « Joe’s blues » featuring Grant Green. (LHJ 10284)
Vol 3 - « Mess of blues » featuring Kenny Burrell. HJ 10285)
Vol 4 - « Joe’s blues » featuring Les Spann and Mundell Lowe. (LHJ 10286)
La firme Lonehill Jazz vient de procéder à une magistrale réédition des huit remarquables microsilIons réalisés entre 1961 et 1968 par le tandem Hodges/Davis, soutenu par une rythmique où apparaît le plus souvent un bon guitariste (Kenny Burrel, Grant Green, Les Spann ou Mundell Lowe) avec parfois un autre soliste en complément : Lawrence Brown dans deux microsillons, le trompettiste Joe Wilder dans un autre.
Pour parvenir à un total de cinq CD, le réalisateur a ajouté d’une part, dans le volume 1, quatre morceaux tirés d’un neuvième microsillon où Hodges et Davis jouent, sans aucune conviction, avec un grand orchestre dirigé par Claus Ogerman. Ce disque, gravé en 1963 et intitulé Sandy’s gone aurait pu avantageusement être « oublié » tant son intérêt est faible. D’autre part, deux autres microsillons figurent ici, l’un dans le vol.3, paru sous le nom de Johnny Hodges et EarI Hines, le sensationnel Stride right enregistré en 1966, l’autre, réparti entre les vol. 1 et 4, provient d’une session gravée en 1966 également, sous le nom de J. Hodges seul (Blue notes) qui y joue avec un grand orchestre comprenant de bons musiciens, dont Hank Jones au piano, mais sur des arrangements sans éclat de Jimmy Jones, rendant l’ensemble terne et décevant, même pour Hodges.
Les huit premiers microsillons réalisés par Hodges/Davis ont tous été chroniqués dans le Bulletin : Blue Hodge (1961) dans le n° 121, Mess of blues (1963) dans le n° 147, Blue rabbit (1964) dans le n° 153, Joe’s blues (1965) dans le n° 151, Wings and things (1965) dans le n° 167, Con-Soul & Jazz (1965) dans les n°’ 157 et 220, Blue pyramid (1965) dans le n° 166, In Atlantic city (1966) dans les n°185 et 203. L’excellent microsillon Stride right (1966) a été chroniqué dans le Bulletin 163.
II est inutile d’insister sur l’intérêt majeur de cette réédition, très complète, de disques de grande e, d’une facture originale, comprenant une bonne proportion de blues de la main de Hodges, un maître en la matière. Dans cette série, Johnny Hodges et WiId BiIl Davis, s’inspirant l’un l’autre, sont le plus souvent à leur maximum, jouant ensemble pour leur plus grand plaisir. Du pur jus, indispensable à toute discothèque.
François Abon
Chronique du LP original (Verve 8570) parue dans le Bulletin du HCF N°147 (avril 1965) page 22.
JOHNNY HODGES-WILD BILL DAVIS, « MESS OF BLUES » (33 t. 30 cm. Verve 8570 - standard): Jones, I cried for you. Love you madly, Little John Uttle John sur une face; Stolen Sweets, A & R Blues, Lost In meditation au verso.
Ces interprétations ont été enregistrées les 3 et 4 Septembre 1963 par un petit groupement de studio composé de Johnny Hodges (as), Wild BiIl Davis (orgue), Kenny Burrell (g), Osie Johnson ou Ed Shaughnessy (dm). La pochette indique aussi Joe Wilder (tp) parmi les participants à cet enregistrement mais vraiment, c’est comme s’il n’y était pas: à aucun moment on ne perçoit distinctement une trompette.
Ce recueil est très supérieur au premier recueil de Johnny Hodges avec Wild BilI Davis, celui intitulé « Blue Hodge » (cf. Bulletin 121). Wild BilI Davis est bien plus en valeur ici, tant en solo qu’à l’accompagnement, swinguant prodigieusement d’un bout à l’autre du disque. Son solo de Uttle John est à vous couper le souffle! Johnny Hodges, de son côté, joue superbement dans tous les morceaux, dans ce direct, chantant, swinguant, sans la moindre note inutile qui fait en quelque sorte de lui le Louis Armstrong du saxo-alto. Tous les morceaux sont pris en tempo aisé (modéré ou semi-lent — seul Lost In méditation est carrément lent), la musique coule, simple, naturelle, décontractée (mais jamais molle) et l’on ne se lasse pas d’entendre ce jazz pur, rafraîchissant...
.J’ajoute que Kenny Burrel joue généralement très bien (notez son excellente partie d’accompagnement dans Uttle John) et que les deux batteurs sont assez bons. Il est regrettable que le texte de pochette ne spécifie pas dans quels morceaux joue chacun d’eux. Le temps me manque pour essayer de les distinguer, d’autant plus que je connais mal Ed. Shaughnessy.
Un beau disque!
Hugues Panassié
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 566 (Nov-Déc 2007, p. 13,14)
Frémeaux publie deux CD précieux à vocation pédagogique différant de la production courante et s’adressant aux amateurs désireux de parfaire leurs connaissances. Le plus souvent, le public apprécie la musique en ignorant les détails de sa structure et de son fonctionnement, mais l’amateur passionné cherchera à approfondir la question aussi l’initiation proposée est-elle bienvenue. D’autant qu’elle a été confiée à Jacques Morgantini qui explique toutes les nuances avec sa maestria habituelle. Frémeaux ne pouvait trouver meilleur guide.
Bien sûr, il ne suffira pas de lire en vitesse les explications du très copieux livret et d’écouter de même les plages du CD pour devenir un spécialiste. Il faudra prendre le temps d’assimiler ces subtilités pour ensuite profiter pleinement de la musique en l’écoutant encore mieux.
SAVOIR ÉCOUTER LE BLUES
(Frémeaux & Ass FA 5181)
La musique et le chant permirent aux Noirs déportés en Amérique d’échapper quelque peu à leur funeste condition. Insensiblement, sous diverses influences, ils créèrent leur propre musique d’où se dégagea une forme privilégiée. Colportée par tradition orale, aucune règle n’étant fixée, chaque interprète pouvait l’adapter à sa guise. Ainsi, les faveurs de la communauté allèrent à une structure de 12 mesures bâtie sur une « séquence harmonique quasiment miraculeuse » : trois phrases de 4 mesures, la première répétée une seconde fois avant une troisième en conclusion, schématiquement AAB.
Le tour d’horizon débute donc par cette forme ique de 12 mesures avec en exemples Baby dont tell on me et 60m’ ta Chicago blues de Count Basie chantés pas Jimmy Rushing et Double trouble blues de Hot Lips Page. Dans chacune des phrases de 4 mesures, le vocal n’occupe pas toute la place, une réponse instrumentale vient le prolonger. Lorsque ces blues se déroulent sur tempo lent; on note qu’une pause intervient au cours de chaque phrase chantée
Train tare home de Muddy Waters, Hello Central de Lightnin’ Hopkins, So blue blues de T-Bone Walker, Harvard blues de Count Basie chanté par Jimmy Rushing.
Les blues à refrain apportent une variante : les quatre premières mesures (couplet) changent à chaque chorus, alors que les huit autres (refrain) se répètent. Souvent ces blues comportent des passages avec breaks solo ainsi qu’on l’entend dans les titres venant en exemples You ain't so much a much et Bachelor’s blues de Cousin Joe, The Lady in bed de Lips Page. En fait, le bluesman peut ne pas recourir aux breaks solo et donc chanter en continu : Just a dream de Big Bill Broonzy, Stop breaking down de Sonny Boy Williamson. Il peut aussi modifier l’importance du couplet et le porter à 8 mesures : I’m not the lad de Washboard Sam, Railroad porter blues d’Eddie Vinson.
Quelques fois, le blues adopte une structure de 8 mesures, la première phrase n’étant pas répétée (donc AB) selon le modèle de How long how long blues de Leroy Carr et Nobody in mind de Big Joe Turner. Là encore, la phrase B peut devenir un refrain comme dans le fameux Torride Lite blues de Big Maceo. Sont également évoqués le blues de 16 mesures, le blues dédoublé avec Stump blues de Big BilI Broonzy en exemple, et aussi les formes plus complexes tel Saint Louis blues, de Bessie Smith, qui comporte trois thèmes : un ique blues de 12 mesures chanté deux fois, un thème de 16 mesures et un second blues de 12 mesures diffèrent du premier.
Le CD se termine avec Bottom blues d’Albert Ammons dans lequel apparaissent en solo. Vic Dickenson et Hot Lips Page qui jouent le blues de façon empoignante alors que leur collègue Don Byas, pourtant éminent jazzman, ne possède pas l’accent ni le feeling.
(André Vasset)
Chronique publiée dans le Bulletin HCF N° 566 (Nov-Déc 200) p.14/15
Frémeaux publie deux CD précieux à vocation pédagogique différant de la production courante et s’adressant aux amateurs désireux de parfaire leurs connaissances. Le plus souvent, le public apprécie la musique en ignorant les détails de sa structure et de son fonctionnement, mais l’amateur passionné cherchera à approfondir la question aussi l’initiation proposée est-elle bienvenue. D’autant qu’elle a été confiée à Jacques Morgantini qui explique toutes les nuances avec sa maestria habituelle. Frémeaux ne pouvait trouver meilleur guide.
Bien sûr, il ne suffira pas de lire en vitesse les explications du très copieux livret et d’écouter de même les plages du CD pour devenir un spécialiste. Il faudra prendre le temps d’assimiler ces subtilités pour ensuite profiter pleinement de la musique en l’écoutant encore mieux.
SAVOIR ÉCOUTER LE JAZZ
(Frémeaux & Ass FA 5182)
Cette initiation à l’écoute du jazz sera appréciée aussi bien par l’amateur nouveau venu que par celui qui jusque-là s’est contenté d’une écoute bienveillante mais superficielle. En douze pages du livret, Jacques Morgantini fournit l’essentiel des bases indispensables. Après avoir évoqué les origines du jazz, ses caractéristiques (rythme, mélodique, swing, improvisation), la composition et le fonctionnement d’un orchestre, le professeur entre dans les détails et en arrive aux travaux pratiques. Les enregistrements alignés sur le CD illustrent chacun des points examinés.
Les commentaires et l’écoute débutent avec le Nouvelle-Orléans et l’improvisation collective sur e modèle de Gettysburg March de Kid Ory. Pour la même rubrique, dans un registre magistral, Louis Armstrong intervient avec l’éblouissant Potato head blues et son fameux stop chorus ; ensuite se trouve un moment rare d’improvisation à cinq avec Oh Didn’t He Ramble de Jelly Roll Morton.
Très rapidement les grands orchestres se multiplièrent et nécessitèrent le recrutement d’un arrangeur pour organiser la musique des différentes sections où vont s’insérer les interventions des solistes. Duke Ellington se révèle un maître dans l’art de modeler la matière sonore, exemple Dusk.
Il convient de rappeler que, dans les années 20, les interprétations étaient souvent plus élaborées qu’elles ne le devinrent ensuite. Outre le refrain, les musiciens utilisaient alors fréquemment le couplet (verse), pratique qui a quasiment disparu. De surcroît, il n’était pas rare que plusieurs thèmes se succèdent dans un même titre. Par ailleurs, il faut noter également que des procédés typiques sont tombés en désuétude : stop chorus, interlude, breaks... A propos du recours aux breaks (phrases jouées sans accompagnement) qui pimentent de manière excitante les interprétations, plusieurs exemples sont proposés C Jam blues de Duke Ellington, Kaiser’s last break de Mezzrow-Bechet, The King de Count Basie, Bye and bye de Louis Armstrong, Star dust de Lionel Hampton, Wild Man blues de Sidney Bechet.
Les interprétations sont basées sur un thème à partir duquel se développe l’improvisation en respectant la structure harmonique. Certains morceaux comportent plusieurs thèmes tel Black and tan Fantasy de Duke Ellington (thèmes de 12, 16 et 12 mesures). Les morceaux les plus communément employés, outre le blues, sont les thèmes de 32 mesures avec pont (AABA) : Doggin’ around et Rock-a-bye Basie de Count Basie, Wednesday night hop d’Andy Kirk, Christopher Columbus de Fletcher Henderson, Riding on 52nd Street de Coleman Hawkins (ce dernier titre utilise exceptionnellement le couplet). Il existe bien d’autres formes, notamment des 16 mesures avec pont (Dusk et Stompy Jones de Duke Ellington), des 32 mesures sans pont (Sidewalks of New York et Margie de Duke Ellington), des 16 mesures sans pont (Portrait al the Lion de Duke Ellington), des 16 mesures avec queue (Baby won’t you please come home de Louis Armstrong), etc.
Les informations brillamment prodiguées par Jacques Morgantini dans le livret (notamment le déroulement de chacun des enregistrements est minutieusement détaillé) mises en lumière par la musique du CD feront forcément progresser l’amateur dans sa connaissance du jazz.
André Vasset
par Eddy DETERMEYER
The University of Michigan Press, 2006. (23,5 x 16 cm).
331 pages. 26 photos noir & blanc hors texte. Relié avec jaquette. En anglais.
ISBN 0-472-11553-7
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 562 (Juin 200) p. 27-30
Eddy Determeyer, journaliste et homme de radio d’origine néerlandaise, consacre un passionnant ouvrage au parcours et à l’oeuvre d’un des plus prestigieux orchestres de l’histoire du jazz. Disposant d’une masse impressionnante d’archives, de documents et de témoignages, l’auteur retrace avec minutie la vie de Jimmie Lunceford (1902-1945) et des musiciens qui l’ont accompagné tout au long de sa carrière. Il analyse également les enregistrements les plus importants et dresse, en fin de volume, une précieuse discographie qui fournit à l’amateur dates, lieux, personnels, éditions originales et rééditions (LP et CD).
Notes et index complètent comme il se doit cette biographie de Lunceford qui « propose une vue particulièrement complète du monde de ce personnage unique en rassemblant de multiples témoignages, anecdotes et opinions... Un livre essentiel absolument remarquable ».
Alain Carbuccia